Promenons nous dans les bois, pendant que le loup n'y est pas! (Ren & Yuki)

Yuki avançait péniblement. Qu'est-ce qui lui avait pris de vouloir aller se promener dans un endroit où tout était silencieux ou presque et d'où le danger pouvait survenir de nulle part ? Si elle ne parvenait pas à avancer dans ce lieu, ce n'était non pas parce qu'elle se trouvait entravée, enfin si, d'une certaine manière. Mais lorsqu'elle faisait un pas, elle avait peur que quelque chose lui saute dessus en sortant des buissons.

Elle était donc très prudente. Un pied. Puis l'autre. Voilà, comme ça ! Doucement... Doucement...

- Aaaah !

Elle bondit de deux mètres en arrière lorsqu'elle vit quelque chose passer entre ses jambes, yeux exorbités. Elle remarqua alors que ce n'était qu'un lièvre. Juste un lièvre qui passait par là. Yuki soupira. Il fallait qu'elle se calme un peu, car à la base, elle était censé se promener pour se détendre, pas pour une partie de frousse.

Replaçant l'une de ses mèches de cheveux derrière son oreille, elle continua sa progression, essayant de profiter de ce que la forêt avait de bon à offrir, bien qu'à certains moments, elle aurait eu envie de détaler à toutes jambes. Pour une fois que la jeune fille apprenait à profiter de la nature et de la solitude, c'était bon !

Enfin, elle n'était pas si seule que ça.

Yuki déboucha enfin dans une clairière d'où elle pouvait voir le soleil et ressentir sa chaleur. Son coeur ralentit aussitôt ses battements, elle se sentait mieux. Tout compte fait, la forêt avait ses bons coins, aussi. Mais ce qui attira ensuite son regard, c'était cet arbre immense en son milieu, qui dégageait des mélodies harmonieuses chantées par les oiseaux. Si douces. Si belles. Yuki aimait la musique.

Ses paupières se fermèrent, et en se guidant avec les chants, juste avec les chants, elle avança petit à petit vers l'arbre. Seulement voilà: écouter une chanson ne pouvait pas lui permettre d'éviter les obstacles. Lorsque Yuki sentit comme une forme devant elle, il était déjà trop tard. BANG ! Collision. Yuki se retrouva assise par terre, massant son pauvre petit crâne endolori.

- Aïe aïe aïe aïe aïe...

Puis, elle ouvrit lentement les yeux, mais avec le trop plein de lumière et le choc, certes minime mais qui brouilla tout de même un peu sa vue, elle ne vit qu'une silhouette, qui lui sembla humaine, enfin, ce n'était pas un animal, quoi. Elle baissa alors la tête pour s'excuser avec sa toute petite voix:

- J-Je suis désolée, je ne vous avais pas vu, et je ne regardais pas devant moi, désolée, désolée !

Elle espérait que l'inconnu ne serait pas trop furieux contre elle, elle n'avait vraiment pas fait exprès.

Aïe... Un jour, ne pas faire attention à l'environnement qui l'entoure lui causerait des problèmes, ça, c'était certains. Yuki était capable de se défendre s'il arrivait quelque chose, mais seulement, sa constitution physique, bien qu'elle soit jolie, était faible. Il suffirait de lui porter trois bons coups pour la mettre hors d'état de nuire.

C'était d'ailleurs pour cela qu'elle espérait ne pas croiser de mauvaise personne. Elle en avait déjà vu assez la moitié de sa vie, presque. Donc, elle espérait aussi que la silhouette en face d'elle, qui s'avérait être celle d'un jeune homme un peu plus âgé qu'elle, ne se mettrait pas en colère pour la faute qu'elle venait de faire. En effet. Yuki est très vulnérable.

- Haha ! C'est pas possible ! Qu'est-ce que j'ai fait pour que toutes les filles du monde me tombent dessus ! Bon... C'est rien, par contre si ça ne te dérange pas on va le faire à l'espagnole hein, pas besoin de me vouvoyer.

L'inconnu venait de s'exclamer en riant, sans aucun once de fureur dans la voix. Ces mots firent relever la tête à Yuki, et elle fixa le jeune homme avec un certain soulagement, tandis que celui-ci tendait la main vers elle pour l'aider à se relever. Elle prit cette main pour se remettre sur ses deux jambes, remettant par la même occasion ses vêtements un peu froissés en place, bien que son visage se soit un peu sali dans la forêt, du coup.

Elle sourit ensuite, le visage déjà bien plus éclairé que lorsqu'elle avait percuté cet élève, car oui elle était certaine qu'il était élève, mais comme elle venait d'arriver, elle ne savait pas d'où, si c'était un humain ou un monstre. Elle, était une Ange Déchue. Une fille d'apparence normale, sans ailes, bien qu'elle ait des cornes sur le sommet de la tête. Donc oui, elle était un monstre. Seulement, dissimulées avec soin par de jolis rubans violets, on ne les remarquait pas.

Elle finit donc par dire d'un ton toujours aussi hésitant:

- Merci. Enfin, je crois...

Elle était tout de même étonnée qu'il ne soit pas furieux. Cela lui ferait des ennuis en moins. Elle demanda ensuite, car pour mieux s'adapter à son nouveau mode de vie, il fallait qu'elle se fasse au moins quelques connaissances, donc, comme il n'était pas fâché, elle voulait poursuivre cette rencontre démarrée un peu brutalement:

- Encore désolée pour tout à l'heure... Je m'appelle Yuki, Yuki Hariken, et toi ?

Bon, il était vrai que dans ses présentations, Yuki restait toujours maladroite, mais ça, elle l'était presque tout le temps.

Yuki prit alors plus le temps d'observer son interlocuteur, en profitant du silence que l'autre utilisait pour former sa réponse. Il était grand, et vraiment très amical, sans la moindre mauvaise pensée, de ce qu'elle pouvait en juger. Et puis, il fallait avouer qu'il n'était pas si mal que ça, à vrai dire. Hein ??? Qu'est-ce qui lui prenait de penser ça ??? Ah oui, c'est vrai, c'était presque devenu une habitude maintenant, dès qu'elle croisait quelqu'un, même un inconnu dans la rue, de le trouver joli et... bref, stop.

Enfin, non, c'était la première fois qu'elle portait un jugement si mélioratif. Le jeune homme lui répondit alors, toujours en riant:

- Shindayuki Ren, deuxième année au lycée Satô, 17 ans, 1m85, 70 kilos, groupe sanguin O rhésus négatif, au rapport chef!.. Oups attends, c'est vrai que je suis pas à l'armée...

Yuki garda son expression surprise quelques instants, avant d'éclater de rire à son tour. D'un beau rire doux et encore quelque peu enfantin. Enfin, son visage s'était totalement déridé, elle était pleine de lumière à nouveau. Elle dit donc en conservant ce grand sourire:

- Enchantée, Ren-Ren !

Oui, elle avait aussi pris pour habitude de donner des surnoms aux gens en fonction de leur nom. Elle avait fait ça avec tout les membres de sa classe, bien qu'elle n'en ait jamais abordé aucun. Elle trouvait cela amusant, et en plus, elle adorait les utiliser. Et puis, Ren-Ren... Elle trouvait que ça lui correspondait bien.

Puis elle revint sur les paroles de Ren. Il était aussi au lycée Satô ? Comme elle ? C'était forcément le destin ! Ou... une coïncidence. Yuki secoua la tête, ce n'était pas vraiment à ça qu'elle devait réfléchir. Elle demanda donc ensuite, toujours ce même sourire sur sa petite bouille:

- Oh ? Tu es au lycée Satô, toi aussi ? Tu es donc un monstre, non ? Alors, si c'est le cas...

Elle n'avait attendu aucune réponse, enchainant mots et questions. Mais elle conservait toujours son sourire, signe qu'elle était contente. Elle enleva lentement les rubans dans ses cheveux roses pour faire apparaitre ses deux excroissances crâniennes, enfin plus communément et simplement appelées cornes. Elle acheva donc sa phrase:

- Je suppose que si je te les montre, cela ne te dérangera pas et ne te fera pas fuir.

Pendant un instant, elle crut s'être trompée. Elle crut avoir mal compris ce que Ren lui avait dit plus tôt, et qu'en réalité, il était parfaitement humain, et n'était pas dans le même lycée qu'elle. Pourtant, elle était sûre d'en avoir entendu le nom, elle ne pouvait se tromper, c'était impossible. C'était donc maintenant qu'il allait pouvoir confirmer si son doute s'avérait finalement vrai ou non.

- Bah tu sais...

Elle le fixa de ses grands yeux roses-violets, accordant toute son attention à la suite de la phrase de Ren, avant de voir sur le crâne du jeune homme apparaitre d'abord une, puis une seconde oreille, toutes les deux aussi sombres que la chevelure du lycéen.

- Les gens n'aiment pas trop ça non plus. Et j'aurais fuit si tu avais été humaine ! ajouta-t-il en riant.

Yuki le regarda, perplexe, avant qu'un sourire soulagé, cette fois, ne vienne se dessiner sur son visage. Elle ne s'était pas trompée. Ouf ! Elle s'approcha ensuite pour se mettre sur la pointe des pieds à côté du jeune homme, car il la dépassait en taille, puis elle examina l'oreille gauche de celui-ci, qui, elle le remarqua, était une oreille de loup. Elle trouvait ça super ! C'est d'ailleurs ce qu'elle lui dit en reculant d'un bond, de nouveau un grand sourire sur le visage:

- Moi, je les trouve superbes ! Et elles te vont bien, en plus, Ren-Ren.

Yuki adorait faire des compliments au gens, surtout lorsqu'elle les appréciait et qu'ils n'étaient pas mauvais avec elle. C'était ça, aussi, la gentillesse sans limite de la jeune fille.

Yuki souriait. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas souri autant et aussi longtemps. Mais après tout, elle était heureuse d'avoir fait cette rencontre et de se trouver là, donc pourquoi se retenir ? Ren lui répondit alors:

- Merci ! Tes cornes sont pas mal dans le genre aussi, j'aime bien.

Les joues de la jeune fille rosirent. Elle était ravie du compliment, qu'elle savait sincère. Elle était bien d'accord que cette rencontre était survenue un peu brusquement par son manque d'observation de l'entourage, mais elle était contente d'avoir rencontré une personne comme elle et qui allait aussi dans le même lycée qu'elle. Comme ça, si elle avait besoin d'aide un jour, elle saurait déjà à qui demander, vu que Ren n'était pas méchant, ça, c'était certain.

Yuki aimait bien voir les gens de son entourage de cette façon. Elle aimait aider à répandre la joie autour d'elle. Et voir le jeune homme sourire la rendait toute joyeuse, elle aussi.

Soudain, de l'arbre qui se trouvait toujours à côté d'eux, et d'où sortaient encore des mélodies majestueuses, un oiseau décolla en un puissant battement d'ailes, et Yuki dit alors en se tournant vers la direction dans laquelle l'oiseau partait:

- Regarde, Ren-Ren ! Les plumes de cet oiseau sont exactement de la même couleur que l'arc-en-ciel !

Et c'était vrai. Etait-ce un signe ou quelque chose dans le genre ? Yuki n'en savait absolument rien, mais si c'en était un, elle se demandait bien ce qu'il pouvait représenter. Cela lui rappela alors que... zut ! Elle avait complètement oublié de demander cela ! Elle ouvrit alors la poche du petit sac qu'elle portait avec elle pour en sortir deux barres au chocolat. Elle en tendit ensuite une à Ren en demandant, un grand sourire se pointant de nouveau sur son visage:

- Tu en veux ?

Yuki fut ravie de voir Ren agrandir son sourire d'approbation avant qu'il ne lui prenne ce qu'elle lui tendait. Certes, ce qu'elle avait rapporté comme aliments, si elle pouvait les nommer ainsi, n'était pas grand chose, mais c'était déjà bien pour se rassasier un peu, et puis partager était dans la nature de la jeune femme, alors, même quand elle n'avait que peu de choses, elle partageait tout avec les personnes qui se trouvaient avec elle à ce moment là. Elle était comme ça, Yuki.

Ren la remercia:

- Merci Yuki ! Je ne sais ce que j'aurais fais pour manger si tu n'avais pas été là !

Yuki agrandit son petit sourire, avant de rire en même temps que Ren, les joues rosies. Puis, elle entama elle aussi sa barre chocolatée, déchirant le papier en aluminium qu'elle rangea dans son sac, croquant ensuite dans son goûter par petites bouchées.

Pendant quelques minutes, on n'entendit plus que le chant des oiseaux qui étaient toujours présents dans le grand arbre situé à côté de Yuki et Ren, ainsi que les dents croquant dans les barres au chocolat. Puis Ren brisa ce silence qui aurait de toute manière fini par s'estomper en demandant:

- Dis moi ma belle, tu arrives tout juste ici non ? C'était où, comment là où tu étais avant ?

Le visage de Yuki resta éclairé quelques secondes, avant qu'elle ne se rembrunisse totalement. Avant... Tout était sombre, noir, amer, sans goût délectable. Depuis ses douze ans, son père avait changé. Depuis ses douze ans, son existence s'était transformée en cauchemar vivant. Elle détestait son passé, et en parlait très peu, de ce fait. Mais elle ne voyait pas pourquoi elle ne pouvait pas le dire à Ren, et donc, elle commença:

- Oui, en effet je suis nouvelle et là depuis peu de temps. Mais si tu veux tout savoir, avant, tout était pourri. Pourri de l'intérieur. Je suis Ange Déchue depuis ma naissance, mais cela, c'est à cause des fautes de mon père, un ancien Ange cruel et perverti. Je n'ai pas vraiment eu de chance, car sa perversité m'est retombée dessus.

Elle marqua une pause pour reprendre son haleine, ce n'était pas toujours facile de parler d'un sujet douloureux. Elle poursuivit ensuite:

- Je n'ai jamais connu ma mère, et au fond, je lui en veux de m'avoir laissé seule avec ce monstre qu'est mon père. Ce qui fait que mon arrivée ici a été pour moi un véritable bonheur.

Elle afficha un sourire triste, elle ne voulait pas non plus ennuyer les gens avec son histoire personnelle. C'est pourquoi Yuki retourna la question à Ren, essayant de nouveau d'afficher un sourire franc, tant bien que mal:

- Et toi, Ren-Ren ? Tu es ici depuis combien de temps ? Tu étais où, avant ?

De plus, qui se soucierait de ce qu'elle avait vécu ? Même quelqu'un d'aussi gentil que Ren devait sûrement s'en moquer totalement. Mais cela ne la dérangeait pas, puisque après tout, tout ça appartenait au passé, et qu'il était inutile de rester sur des faits qui s'étaient déjà produits.

Yuki se ressaisit, en se concentrant intensément sur le chant des oiseaux à côté d'elle. Elle avait promis de ne plus se laisser abattre, quelle que soit la difficulté, en quand bien même c'était son passé, elle avait promis. Et une promesse restait une promesse. Elle réussit donc de nouveau à reprendre une attitude positive. Bien ! C'était beaucoup mieux.

Yuki regarda de nouveau Ren en abordant cette fois une expression plus sincèrement joyeuse, bien qu'elle ne fit pas un grand sourire. Il lui dit alors, tout en se rapprochant d'elle:

- J'aime pas trop en parler... Mais par rapport à toi c'est rien alors... J'ai jamais connu mon père, et j'ai grandi seul avec ma mère dans un petit appart dans une petite ville. Tout allait bien jusqu'à ce que l'on ne vienne tué ma mère, et essayé de m'abattre du même coup, j'avais 11 ans. Après ça j'ai grandi dans un orphelinat, et j'ai suivis un cursus scolaire "normal", je m'étais même trouver une meilleure amie, elle était comme ma sœur, mais je suis parti pour venir ici. Après tu connais la suite de l'histoire, j'ai juste suivis les cours ici... Mais il y a plus important...

Yuki avait tout écouté avec attention. Alors comme ça, lui n'avait jamais connu son père... C'était un peu la même chose qu'elle au fond, bien que sa mère à lui avait été gentille et s'était fait injustement tuer. La jeune fille aurait préféré que la mère de Ren vive à la place de son père à elle, qui lui aura causé des ennuis jusqu'au bout. Une bonne vie supprimée, contre une mauvaise toujours présente. Cela aurait été mieux.

Ensuite, elle se questionna sur la fin de la phrase. Plus important ? Ah bon ? Elle ne voyait pas vraiment, et écouta donc attentivement le lycéen lorsqu'il ajouta:

- Je suis là, et très honnêtement j'ai jamais été très doué pour parler de ce genre de chose, mais... Je te jure que tout ce que tu viens de me raconter là, ça me donne une envie folle de te protéger.

En même temps de dire ces mots, il avait pris les mains de la jeune fille et plongé son regard dans le sien, si bien que Yuki ne pouvait s'en détacher. Il voulait... la protéger ? Elle en était si surprise qu'elle resta un bon moment les yeux étonnés avec un visage qui l'était tout autant, puis elle afficha un sourire gratifiant avec les yeux brillants, comme si elle allait pleurer. Ce n'était pas le cas, mais presque.

Elle passa alors ses deux mains dans le dos de Ren pour le serrer contre elle, chose qu'elle n'avait jamais faite auparavant. Fermant les yeux, elle lui dit, avec un doux sourire étirant le coin de ses lèvres:

- Merci, Ren !

Un contact. Enfin. C'était la toute première fois que Yuki pouvait serrer quelqu'un dans ses bras de cette façon. C'était également la toute première fois qu'elle se sentait aussi bien avec quelqu'un. Ce qui fit que lorsque Ren la prit aussi contre lui, elle se sentit comme sur un petit nuage, bercée par ce contact ainsi que le chant des oiseaux allié avec la brise légère et rafraîchissante du vent. C'était presque dans un doux rêve qu'elle se trouvait là. Elle pouvait sentir la chaleur apaisante du corps de Ren, et pouvait très légèrement entendre les battements de son coeur. Elle n'avait encore jamais eu ce genre de sensations auparavant.

Lorsque Ren recula d'un pas, mettant fin à leur étreinte, Yuki ne le retint pas, bien qu'elle aurait voulu le serrer contre elle un peu plus longtemps. Mais c'était déjà bien qu'elle ait pu au moins faire cela, et elle était heureuse, après tout ! Ce fut pourquoi elle conserva son sourire tout en restant envoûtée par le regard chaleureux et attendri de Ren. Elle était contente qu'il soit là, avec elle. Elle était contente de l'avoir rencontré. Il serait là pour elle, à ne pas en douter. Et il représentait bien plus pour elle qu'un simple ami.

Ren se rapprocha alors d'elle et lui murmura à l'oreille:

- J'aimerais… T'embrasser.

Yuki le regarda tandis qu'elle hésita quelques secondes dans son esprit, et ce à cause de l'ombre planante de son père sur elle. Non. Il ne faisait plus partie de sa vie. Elle en avait été libérée. C'était elle qui suivrait son propre chemin, désormais. Yuki avait brisé les chaines qui la reliaient encore à son ténébreux passé.

Enfin, après ces quelques secondes de silence, elle répondit d'un ton doux, les joues rosies:

- Tu peux.

Elle n'avait encore jamais échangé de baiser avec quelqu'un. Cela promettait donc d'être une très bonne et douce expérience.

Yuki ne savait pas réellement à quoi se préparer. Mais venant de Ren, elle ne refuserait absolument rien. Elle n'aurait cependant jamais imaginé qu'un baiser pouvait être aussi doux et intense à la fois. Elle n'aurait jamais imaginé embrasser un garçon un jour, à vrai dire. Et pourtant, c'était le cas.

Lorsque les lèvres de Ren entrèrent en contact avec les siennes, Yuki sentit tout un flot de sensations l'envahir, en même temps que son coeur se mettait à battre la chamade. Elle se sentait enveloppée par l'aura apaisante de Ren, elle se sentait confiante, elle se sentait bien. Elle avait inconsciemment passé ses bras dans le haut du dos de Ren lorsqu'il l'avait prise par la taille pour ce baiser.

Il était infiniment long, mais pour Yuki, il lui parut très court. Lorsque Ren la reposa avec une infinie douceur sur le sol, elle ressentit avec surprise un manque, elle aurait eu envie que cela dure plus longtemps. Bien plus longtemps. Et de ce qu'elle lut dans le regard de Ren, c'était ce qu'il aurait voulu aussi. Mais effectivement, ils ne pouvaient rester comme cela indéfiniment.

Après quelques minutes où la jeune fille était restée blottie contre lui, Ren s'écarta pour la prendre par les épaules, avec une expression très sérieuse, ce qui étonna un instant la lycéenne. Elle ne se posa pas plus de questions car il lui dit aussitôt:

- Yuki Hariken, je t'aime.

Elle en resta tout simplement bouche bée. Ces mots, elle n'aurait jamais cru qu'ils lui soient destinés un jour. Même en rêve. Alors là... Pendant plusieurs minutes s'installa un doux silence entre eux, pas véritable à cause du chant des oiseaux, proche, ainsi que des chuchotis des arbres de la forêt. Yuki ne pouvait être plus heureuse. Elle ne l'avait d'ailleurs jamais autant été.

Elle se serra bien fort contre Ren, souriant elle aussi, imaginant désormais de nouvelles choses qui pouvaient lui être ouvertes avec lui, puis elle murmura:

- Moi aussi, Ren. Moi aussi, je t'aime.

Yuki fut surprise au moment où Ren se laissa soudainement tomber dans l'herbe verte et fleurie du printemps, avant de se mettre à rire en le regardant de ses iris violets-roses. La jeune fille était contente qu'il soit aussi heureux. Ce bonheur qu'elle répandait, lorsque les gens y étaient réceptifs, elle y gagnait, elle aussi. Puis, Ren lui dit:

- Maintenant que c'est fait... On fait quoi ?

Yuki se mit à réfléchir. De toute manière, tant que Ren l'accompagnerait, elle serait capable de faire tout type d'activité. Mais si lui lui avait montré ses oreilles et sa queue, qui témoignaient qu'il était loup et en avait donc les avantages, elle ne lui avait montré que ses cornes, et pas son pouvoir véritable, dans le fond. Une idée germa alors dans son esprit, quand soudain, Ren pointa son doigt vers le ciel:

- Regarde Yuki ! C'est le même oiseau qu'avant.

Elle se retourna à temps pour voir l'oiseau multicolore regagner majestueusement son nid. Puis elle s'allongea elle aussi sur le sol herbu, juste à côté de Ren, tout en souriant. Elle avait trouvé une idée de jeu qui l'amusait beaucoup et qui pourrait faire découvrir son pouvoir au jeune homme. Elle lui dit donc tout en fixant le ciel:

- Dis, Ren, je peux deviner à quoi tu penses ?

Bon, c'était un peu bête comme jeu et très enfantin, certes, mais Yuki, elle, l'aimait beaucoup.

Yuki attendit l'approbation de Ren avant de procéder à l'utilisation de son pouvoir psychique. Celle-ci ne tarda d'ailleurs pas:

- Bien sûr, essaye donc de deviner à quoi je pense maintenant !

Cela n'allait pas être trop compliqué. Yuki se concentra donc pour capter le flot de pensées du jeune homme et le suivre. Elle fut ravie d'apprendre qu'il la trouvait très jolie, ce qui fit rosir très légèrement ses joues. Mais quand elle continua de suivre le court des pensées du beau garçon, elle perçut des images auxquelles elle ne s'attendait absolument pas. Elle vira au rouge bien marqué sans que Ren ne s'en aperçoive. Pendant quelques instants, il avait eu envie de la voir... sans ses vêtements ?

Elle chassa cette image de son esprit pour continuer de suivre les pensées de Ren. Visiblement, il n'arrivait pas à se détacher d'elle, ce qui la rassura et la fit sourire. Lorsqu'elle vit une image d'elle et du jeune homme de dix-sept ans jouer dans l'herbe, elle conserva son doux sourire, il ne cessait de l'étonner, à vrai dire.

Elle quitta ensuite l'esprit de Ren, car elle pensa la chose suffisante. Puis, elle se plongea dans ses propres pensées à elle, et constata que le lycéen monopolisait également ses pensées, bien qu'elle vienne de s'en rendre compte. Dès qu'elle pensait à une image, Ren venait s'y ajouter avec son air chaleureux et ses grands sourires. Yuki n'aurait jamais cru cela possible, que quelqu'un occupe les pensées d'un autre en permanence.

Les oiseaux chantaient toujours. L'heure avait bien tourné, mais Yuki avait l'impression que cela faisait quelques minutes à peine qu'elle se trouvait là, en compagnie de Ren. Elle voulait passer du temps avec lui. Encore plus de temps. Lorsque Yuki se tourna vers Ren et qu'il l'attira à lui, elle ne résista pas, toujours enveloppée par cette douce chaleur, puis il l'embrassa de nouveau, la jeune fille acceptant avec plaisir ce nouveau baiser qu'elle souhaitait éternel, bien qu'elle dut le rompre après un certain temps.

Cependant, elle resta blottie contre le lycéen-loup, et murmura, en plantant son regard dans le sien:

- J'ai pu deviner tout ce à quoi tu as pensé. A vrai dire, au début, ça m'a surprise, mais j'ai pu comprendre que tu tiens beaucoup à moi. Et moi aussi, je tiens beaucoup à toi.

Yuki n'avait pas détaillé le fond des pensées de Ren, et quand bien même il y eut certaines idées perverses, elle ne lui en voulut pas, elle savait après tout que c'était quasiment normal pour des hommes arrivés à cet âge là. Et même pour la pire des raisons, elle n'était pas sûre de pouvoir lui en vouloir, elle l'affectionnait trop. Ren lui dit alors:

- Ahah heu... Désolé, les hormones... En plus quand on est à moitié loup... Mais tu ne peux pas imaginer à quel point je suis heureux de t'entendre dire que tu tiens à moi.

Yuki afficha un sourire, elle tenait d'ailleurs à lui sûrement bien plus que ce qu'elle pouvait en laisser paraitre. Bien plus qu'à sa propre vie, même.

- Mais... Comment t'as pu deviner tout ça ? Enfin non, je suis à peu près sûr que tu n'as pas deviné mais...

Yuki laissa échapper un léger rire, elle aimait beaucoup voir Ren se questionnait ainsi, car il prenait un visage tout à fait charmant. Un visage qu'elle aimait particulièrement, et que jamais rien au monde n'égalerait. Ren tout entier était une personne unique et inégalable pour la jeune fille.

Elle répondit ensuite à la question de Ren tout en lui prenant la main:

- Cela fait partie d'une des facultés de mon don psychique. Et je peux par exemple faire ça, aussi.

Elle souleva la paume de sa main qui ne tenait pas celle de Ren, donc sa main droite, puis elle fixa son sac, plusieurs secondes avec une énorme concentration, avant que celui-ci ne se mette à léviter pour venir près d'elle, à un mètre environ.
Elle afficha de nouveau un grand sourire, elle était bien plus que heureuse de partager ces moments avec Ren. Elle n'avait même pas remarqué que le soleil déclinait peu à peu, lentement mais inexorablement, signalant la fin de cette journée, qu'elle voulait éternelle.